Les femmes figurent parmi les grandes perdantes de la dernière réforme des retraites. Ce constat est revenu à plusieurs reprises dans les critiques formulées par les opposants au projet de loi du gouvernement. Dans le cadre de son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale publié ce jour, la Cour des Comptes est revenue en détail sur les différences relatives à la retraite entre les femmes et les hommes. Les Sages de la rue Cambon constatent ainsi que le montant moyen des pensions de retraite des femmes s'élève à 1401 euros quand il atteint 1955 euros pour les hommes, soit un écart de 28%. Cet écart est même porté à 40% sans les pensions de réversion qui sont versées au conjoint survivant après le décès de l'autre.
L'instance souligne par ailleurs que les écarts de pension de droit direct, c'est-à-dire sans prise en compte des pensions de réversion, se réduisent avec le temps: il passe de 54% pour la génération de retraités nés en 1934 à 34% pour ceux nés en 1950.
Sans surprise, ces écarts sont étroitement liés aux différences de situation entre les femmes et les hommes sur le marché du travail. Certes les femmes travaillent de plus en plus et ont vu leur taux d'activité progressé de 55% en 1975 à 70% en 2021 mais cette progression s'accompagne d'une hausse de leur recours au travail à temps partiel: ce type de contrat concerne plus d'une femme sur quatre en 2021 contre seulement 8,3% des hommes.
Par ailleurs, le taux d'activité des femmes se réduit entre 25 et 49 ans, lorsqu'elles sont en âge d'avoir des enfants tandis qu'il reste supérieur à 90% chez les hommes peu importe le nombre d'enfants. Entre 1995 et 2019, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes sont passés de 27,4 à 22,3% sous l'effet de cette progression globale du taux d'activité des femmes.
Pour expliquer ces différences de pensions, la Cour des Comptes pointe du doigt des règles de calcul car ces règles pénalisent les assurés à carrière courte et à bas salaires qui sont souvent des femmes. Les hommes remplissent plus souvent la condition d'une durée de carrière supérieure à 25 ans qui permet d'exclure les salaires les plus bas dans le calcul de salaire de référence au régime général. De leur côté, les femmes sont plus régulièrement contraintes d'attendre l'âge d'annulation de la décote pour pouvoir partir à la retraite à taux plein car elles ne témoignent pas d'une durée d'assurance suffisante.
Les dispositifs de solidarité permettent de réduire les écarts de pension de retraite entre les femmes et les hommes car ce sont surtout les premières qui en bénéficient. "Fin 2016, selon la Drees, l’ensemble des dispositifs de solidarité au sens large représentait 29,1 % des pensions de droit direct versées aux femmes (écart de 10 points sur les droits familiaux de retraite), dont 50,2 % pour celles ayant eu trois enfants ou plus et 19,1 % pour les autres, contre 18,3 % de celles versées aux hommes", précise la Cour des Comptes.
"Sans les dispositifs de solidarité, la pension moyenne de droit direct des femmes [en "équivalent carrière complète" pour la génération née en 1930] aurait été inférieure de 50 % à celle des hommes, et non de 42 % comme constaté."Parmi ces dispositifs de solidarité, on trouve les minima de pension dont 62% des bénéficiaires sont des femmes. Néanmoins, la condition du taux plein pour en bénéficier en oblige un certain nombre à attendre 67 ans pour partir à la retraite. Les femmes sont également majoritaires parmi les allocataires du minimum vieillesse (56% et même 88% pour les plus de 90 ans) mais une femme éligible sur deux n'y avait pas recours en 2016. Enfin, 90% des femmes disposent d'au moins un des principaux droits familiaux (majorations de pension pour 3 enfants ou plus, départs anticipés pour motif familial...) mais des limites peuvent également survenir dans ce domaine comme le rappelle la Cour des Comptes: "Les majorations de pension pour parents de trois enfants ou plus, contribuent à augmenter les écarts en euros de montant de pension entre les femmes et les hommes, car les pensions des pères qui en bénéficient sont en moyenne plus élevées que celles des mères."
Le départ anticipé à la retraite est l'un des rares dispositifs de solidarité à bénéficier davantage aux hommes: ils sont 18% à en bénéficier dans le cadre d'une carrière longue contre 5% du côté des femmes. Dans la fonction publique, cela tient notamment au fait que des métiers concentrant beaucoup de femmes ne sont plus classés en catégorie active comme les instituteurs et les infirmiers. De même, les critères de pénibilité retenus pour le compte professionnel de prévention renvoient principalement à des métiers masculins.
En raison d'une meilleure espérance de vie, les femmes sont aussi particulièrement majoritaires parmi les bénéficiaires des pensions de réversion (90%): elles concernent 3,3 millions d'entre elles qui perçoivent une pension de droit direct et résidant en France. C'est cette catégorie de revenus qui permet de réduire l'écart de pensions entre les hommes et les femmes de 40 à 28% sur l'année 2020. "Cependant, la part de la pension de réversion dans la pension totale des femmes est passée de 23 à 18% entre 2004 et 2020 en relation, en raison notamment de la hausse des pensions acquises grâce à leur activité professionnelle", relèvent les Sages de la rue Cambon.
Ces derniers insistent sur la nécessité d'agir sur le marché du travail pour continuer de réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes, notamment sur le volet de la lutte contre les discriminations à l'encontre des femmes.
"Les mesures visant à mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle doivent continuer à être développées pour limiter l’effet de l’éducation des jeunes enfants sur la carrière des parents, en particulier celles améliorant l’accueil des jeunes enfants", ajoute la Cour des Comptes.Afin que les droits à retraite liés aux enfants et aux dispositifs de réversion compensent mieux les interruptions de carrière et des moindres salaires des femmes et des hommes dû à l'éducation des jeunes enfants et au partage des tâches domestiques, l'institution plaide pour des réformes qui n'induiraient pas de coûts supplémentaires afin de préserver la soutenabilité financière du système. Elle propose notamment de compenser via majoration de pension plutôt que par attribution de trimestres "l'incidence sur les droits à retraite des pertes de trimestres et de salaire liées aux interruptions de carrière pour l’éducation des jeunes enfants, notamment pour les pensions les plus faibles, tout en préservant des droits spécifiques à partir de trois enfants."
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